Red Sparrow
Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement
Une jeune ballerine, dont la carrière est brisée nette après une chute, est recrutée contre sa volonté par les services secrets russes. Entraînée à utiliser ses charmes et son corps comme des armes, elle découvre l’ampleur de son nouveau pouvoir et devient rapidement l’un de leurs meilleurs agents.
Sa première cible est un agent infiltré de la CIA en Russie. Entre manipulation et séduction, un jeu dangereux s’installe entre eux.

Ni pour le grand public, ni pour les cyniques, Red Sparrow appartient à ces OFNI qui trouvent la rédemption auprès des cinéphiles que bien plus tard, quand les générations grandissent et que le public trouve le recul nécessaire pour placer ces projets excessifs qui se refusent à remplir le cahier des charges de la majorité des œuvres contemporaines.
Dans un contexte de guerre froide, qui évoque une situation actuelle fantasmée, le film est foncièrement érotique, d’un érotisme malsain – on y évoque une « école des putes », dirigée par Charlotte Rampling (celle croisée chez Liliana Cavani dans Portier de nuit), destinée à former les agents secrets russes à obtenir toutes les informations souhaitées, Red Sparrow est également incroyablement violent.
Dans sa thématique, le sexe n’y est jamais beau et propre, mais toujours asséné comme un coup létal, dans la souffrance, physique, psychologique. Jennifer Lawrence n’y est-elle pas violée dès sa première mission, précipitée dans les griffes d’un puissant détraqué par son propre oncle (jubilatoire Matthias Schoenaerts, devenu une version sexy de Poutine) ?
Il fallait l’oser. Visiblement, le plutôt toc Francis Lawrence, avec sa patte de clipper amateur de réalisation léchée se surprend lui-même à casser les codes, entraîné par sa muse Jennifer Lawrence (ils ont tourné ensemble trois numéros de Hunger Games). Devenue une machine à tuer, une manipulatrice experte, au cœur d’un script entièrement basé sur les faux-semblants, le mensonge et l’arme ultime pour soutirer la vérité, la torture, Lawrence se donne corps et âme dans ce blockbuster d’exploitation pure, qui ne ménage pas, mais préfère déranger. Les scènes de tortures sont douloureuses, à l’excès. Jennifer Lawrence, actrice du mouvement féministe #metoo, encaisse comme un homme ou, à son tour, torture comme le tortionnaire des plus brutaux (mentionnons par exemple le supplice consistant à peler la peau humaine en couche… entre autres).

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Plus proche dans son esprit nihiliste des excès des séries télévisés américaines que d’un véritable blockbuster lissé pour le grand écran, Red Sparrow déroute au risque de laisser le public sur la route. Son ambiance, esthétiquement précieuse, est froide comme la mort, et chaque protagoniste est retranché dans une forme d’indifférence. Pour nourrir une cause patriote pour les uns ou, pour l’héroïne, concocter un plan pour sortir sa mère, gravement malade, d’une situation sociale dramatique. Ce n’est qu’en toute fin, à la suite d’innombrables retournements de situation que l’on découvrira réellement la teneur de celui-ci.
Peu enclin à la morale, Red Sparrow ose l’audace, sans détour, avec des acteurs qui en imposent autant par leur présence physique que par leur capacité à emmurer leur émotions, alors qu’ils sont tous engagés dans une trame tortueuse où chacun doit y mettre de son intériorité, pour ne rien laisser transparaître. Comme contrepartie masculine au personnage d’espionne russe joué par Jennifer Lawrence, du côté des Américains, Joel Edgerton ne relève pas lui-même d’un stéréotype moulé sur Tom Cruise ou son ersatz Jeremy Renner. Acteur rêche, il joue avec ses propres failles, un agent secret qui picole un peu trop ou surfe sur du porno quand il rentre de mission. On a vu plus glamour…
Version trash du Saint avec Val Kilmer et d’Atomic Blonde, Red Sparrow est une réussite éminente qui, après sa sortie, pourra compter sur un statut de film culte ou d’œuvre maudite. Cette production Fox en porte les gènes et saura probablement compter sur l’excitation des nouvelles générations face à ses propositions nouvelles de cinéma. Il serait tout de même dommage d’attendre dix ans de streaming et de VOD pour le voir réhabilité. Il est donc fortement recommander d’essayer cette expérience trash d’un cinéma américain malade.
La commission de classification l’a gentiment interdit aux moins de 12 ans avec avertissement pour ne pas trop compromettre sa carrière. Ils ont été indulgents, pour une fois : il méritait largement le moins de 16…