Ready Player One
Date de sortie 16/08/2018 (2h 20min)

 

Nationalité américain

 

2045. Le monde est au bord du chaos. Les êtres humains se réfugient dans l’OASIS, univers virtuel mis au point par le brillant et excentrique James Halliday. Avant de disparaître, celui-ci a décidé de léguer son immense fortune à quiconque découvrira l’œuf de Pâques numérique qu’il a pris soin de dissimuler dans l’OASIS. L’appât du gain provoque une compétition planétaire. Mais lorsqu’un jeune garçon, Wade Watts, qui n’a pourtant pas le profil d’un héros, décide de participer à la chasse au trésor, il est plongé dans un monde parallèle à la fois mystérieux et inquiétant…

Acteurs charismatiques, musiques endiablées, effets spéciaux novateurs… Des éléments fondamentaux, évidemment, mais ce qui fait de Ready Player One un chef-d’œuvre dans son genre science-fiction-rétro, c’est assurément le génie de Steven Spielberg qui pourrait bien en faire son œuvre-testament.                                                                                                                          Notre avis : Les (au moins semi-) échecs de Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal, Les Aventures de Tintin : Le Secret de la Licorne et Le BGG – Le Bon Gros Géant pouvaient légitimement nous laisser se poser la question à mille points : Steven Spielberg est-il encore le raconteur de contes fantastiques et le créateur de divertissements qu’il avait été dans les années 80 et 90 ? Il aura fallu compter sur Ernest Cline et son excellent roman, Ready Player One, pour alimenter le souvenir d’à quel point le cinéaste avait su alimenter la pop-culture. Son texte, chargé en références culturelles, et essentiellement cinématographiques, comportait ainsi un tel nombre de références aux films réalisés ou produits par Spielberg qu’il aurait été indécent de voir son adaptation tomber entre les mains d’un autre réalisateur (n’oublions pas que le nom de Christopher Nolan fut un temps évoqué). La question à se poser alors était de savoir comment il allait pouvoir mettre en images un texte où il était si souvent cité sans sombrer dans l’ego-trip le plus obséquieux. Qu’on se rassure, il apparaît bien vite que celui qui signa le premier film à être qualifié de « blockbuster » n’est devenu ni un vieux bonhomme incapable de reproduire ce qui fit autrefois sa notoriété ni un artiste narcissique. Il lui reste encore bien assez de talent pour transformer un livre, que l’on disait difficilement adaptable, en un pur spectacle qui saura aisément ravir petits et grands.Et pourtant, qu’on se le dise, sur le fond, il n’y a rien dans ce Ready Player One qui soit révolutionnaire. Ce n’est en rien un reproche puisqu’il s’agit d’un parti-pris pleinement assumé par Steven Spielberg. La construction scénaristique, telle que lui a fourni Ernst Cline, à qui il reste relativement fidèle, la caractérisation des personnages, leur évolution émotionnelle mais aussi et surtout l’art de mêler humour et suspense, autant que fantastique et réalisme, sont dans la parfaite continuité de ce qu’il avait su apporter à l’industrie hollywoodienne en lui offrant un modèle de divertissement devenu un véritable dogme. Mais, encore une fois, son nouveau film ne tombe pas dans le piège de l’auto-congratulation puisqu’il se donne pour principal défi de massivement multiplier les clins d’œil à la pop culture des années 80 dans un univers visuel dense et cohérent qui ne vient jamais parasiter sa dramaturgie. Des comics (davantage DC que Marvel, n’oublions que nous sommes chez Warner) aux Monty Python en passant par Mortal Kombat –sans parler des excellentes musiques distillées avec assez d’intelligence pour éviter le reproche de « film-juke-box » –, le prisme est large et surtout n’est jamais exploité selon une idée de récupération.
En restant ainsi fidèle à lui-même, on peut voir dans l’œuvre de Spielberg une réponse à ceux qui confondent hommage et recyclage (et en particulier à son propre travail) pour alimenter l’actuel effet de mode reposant sur une nostalgie des années 80.Sur la forme en revanche, Ready Player One est destiné à marquer une date en terme de maîtrise technique. La large part du film consacrée à l’action dans un univers virtuel est en effet un pur éblouissement sensoriel. On avait déjà vu des longs métrages exploiter ainsi massivement la motion-capture, mais aucun encore n’avait réussi, ni à lui donner un tel pouvoir immersif, ni à lui insuffler une dynamique qui parvienne à nous faire s’accrocher à notre fauteuil. La maestria de sa réalisation, qui multiplie les cadrages les plus éblouissants tout en assurant une rythmique effrénée, va assurément devenir un modèle dans l’exploitation de cette technologie. C’est dans cette capacité à s’approprier les nouveaux apports techniques du cinéma –comme il l’avait fait lorsqu’il utilisa, en 1993, les incrustations numériques dans Jurassic Park– que l’on s’aperçoit que parler du génie de Steven Spielberg n’est pas qu’un vieux souvenir de cinéphile blasé mais bien une réalité qui a encore le pouvoir de mettre un coup de boost à un Hollywood qui fait du surplace depuis quelques années.

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Ready Player One est ce que l’on peut aisément qualifier de film-somme derrière lequel il sera difficile de passer mais sur lequel bon nombre de cinéastes vont s’aligner. Au-delà de son statut de blockbuster de divertissement visant à satisfaire un large public, il s’agit aussi d’un véritable film d’auteur tant on y retrouve toutes les thématiques chères à Spielberg ainsi que ses craintes vis-à-vis de l’avenir de son art. Celui qui annonçait il y a quelques années la « mort prochaine du film de super-héros » et, à (à peine) plus long terme, « l’implosion d’Hollywood » n’hésite pas à imaginer comment l’OASIS, qui serait le descendant naturel du cinéma, risquerait d’être transformé en véritable pompe à fric si elle tombait entre les mains de capitalistes n’ayant aucune fibre artistique et ne pourrait trouver son salut que dans la passion de jeunes indépendants qui aient le courage de détourner le lourd héritage qu’il a laissé sur les codes de l’entertainment. Le message est clair, espérons qu’il soit entendu.