La Route sauvage

Date de sortie 02 Novembre 2018 (2h 01min)

 

Genre Drame
Nationalité américain

 

Charley Thompson a quinze ans et a appris à vivre seul avec un père inconstant.
Tout juste arrivé dans l’Oregon, le garçon se trouve un petit boulot chez un entraineur de chevaux et se prend d’affection pour Lean on Pete, un pur-sang en fin de carrière.
Le jour où Charley se retrouve totalement livré à lui-même, il décide de s’enfuir avec Lean on Pete, à la recherche de sa tante dont il n’a qu’un lointain souvenir.
Dans l’espoir de trouver enfin un foyer, ils entament ensemble un long voyage….

Le meilleur du cinéma indépendant américain. Un récit d’apprentissage sobre, qui sort des sentiers balisés de la narration hollywoodienne.

Andrew Haigh est un cinéaste britannique remarqué pour Week-end, comédie romantique gay aux accents réalistes, et 45 ans, chronique d’un couple en crise. On retrouve la thématique des secrets de famille et de la fragilité des relations affectives dans ce très beau récit d’initiation, adapté du roman Lean on Peate (paru en France sous le titre Cheyenne en automne, et écrit par Willy Vlautin). Loin de perdre son âme en tournant aux États-Unis, le réalisateur réussit à éviter tant l’académisme des studios hollywoodiens que le ton consensuel d’un certain cinéma indépendant, à l’instar de sa compatriote Andrea Arnold (American Honey). L’œuvre est subtile dans son refus des conventions, et cette aptitude à emprunter à plusieurs genres, de l’épopée westernienne au drame social, en passant par le road movie et le mélo familial. Le personnage central de Charley Thompson, par son idéal combinant quête d’un foyer familial et apprentissage de la liberté, est lui-même une figure contrastée : angélique ado ou bad boy écorché, jeune homme bienveillant et doux ou loubard se vengeant d’un voleur à coups de cric, il évolue au rythme de la narration, ses changements étant parallèles aux perspectives sans cesse renouvelées du scénario. Un leitmotiv traverse pourtant cette œuvre qui déjoue toutes les attentes, celui de la recherche d’une figure maternelle idéale.

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Les femmes côtoyées par Charley semblent d’ailleurs des fées protectrices, de la maîtresse occasionnelle du père à la serveuse du snack qui lui pardonnera son vol, en passant par Bonnie, jockey cool qui lui offre un beignet ou une bière (touchante Chloë Sevigny, à contre-emploi) : en sera-t-il de même pour la tante idéalisée pour laquelle il est prêt à se rendre de l’Oregon au Wyoming ? « Il y avait une simplicité dans le roman que je voulais retrouver dans le film, précise Andrew Haigh. Le voyage de Charley n’est pas qu’un classique récit d’apprentissage qui le conduirait vers l’âge adulte. Il y a quelque chose de plus fondamental : ce qui l’entraîne est un besoin désespéré d’appartenance à un foyer, une famille – la quête d’un lieu où il se sentirait protégé. »

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En revanche, les figures paternelles ne sont guère rassurantes : pas seulement le père défaillant mais aussi le tuteur de substitution (le tonitruant Steve Buscemi), brut de décoffrage au cœur tendre, mais au final individualiste, ou le pitoyable loser qui héberge un temps Charley dans son mobile home. La Route sauvage (titre français qui pouvait paraître commercial mais se révèle en fin de compte opportun) est un film touchant et gracieux, mais aussi rude et inconfortable, magnifié par des prises de vue (signées Magnus Nordenhof) qui cadrent le désert ou les plaines en privilégiant la hauteur sur la largeur, le protagoniste semblant rétréci par les paysages qui l’entourent. Quelque part entre Sans toit ni loi d’Agnès Varda et le récent The Rider de Chloé Zhao (on n’osera pas citer La Vache et le prisonnier d’Henri Verneuil), ce métrage est donc hautement recommandable. Il révèle en outre un jeune acteur prometteur : Charlie Plummer, aux faux airs de River Phoenix, n’a pas volé son prix du meilleur espoir à la Mostra de Venise 2017.