Gaston Lagaffe

M’enfin ! Gaston débarque en stage au Peticoin.
Avec ces inventions délirantes, il va changer le quotidien de ses collègues.
Chat, mouette, vache, et gaffophone seront au rendez-vous des aventures de notre bricoleur de génie qui ne pense qu’à faire le bien autour de lui mais qui a le don d’énerver Prunelle son patron.
Les gaffes à gogo de notre empêcheur de travailler en rond pourront-elles éviter que le redoutable Monsieur de Mesmaeker rachète le Peticoin ?

Décrié, et notamment descendu par la fille de Franquin, «Gaston Lagaffe» de Pierre-François Martin-Laval est pourtant une adaptation fidèle et une bonne comédie, très drôle.

Que demander à une comédie ? De faire rire. Qu’exiger d’une adaptation à l’écran d’une œuvre culte ? D’y être fidèle, d’en respecter l’univers et l’humour, l’esprit. Sur ces deux points, ce « Gaston » tient assurément ses promesses. Décriée par Isabelle Franquin, la fille du dessinateur qui dénonce un « désastre », cette première adaptation autorisée à l’écran de la bande dessinée est pourtant à se tordre de rire.

Non, Pierre-François Martin-Laval (PEF) n’a pas gaffé avec son « Gaston Lagaffe ». Oui, on a beaucoup ri. Devant la cascade de gags et l’avalanche de gaffes, attendues et bien au rendez-vous. À l’écoute de répliques et réparties bien senties qu’il faut se figurer lâchées d’une voix douce, nonchalante et égale, au nez d’interlocuteurs passablement en fureur : « Faut pas vous tuer à la tâche », « C’était pas prévu », « T’as crié, c’est pas bon, tu t’abîmes les cordes vocales et tu réveilles les gens qui dorment », « C’est pas avec des non qu’on va faire avancer les choses ». Irrésistible.

Bidouilleur au génie aussi inventif que relatif

L’incarnation du héros dessiné demande un temps d’adaptation. Il est court. On l’adopte rapidement. Ça fuse d’emblée, on est vite pris au jeu. Pull vert trop court, espadrilles aux pieds, morphologie de fil de fer en « S », Théo Fernandez est bien ce Gaston rêveur au grand cœur. Il lui donne une jolie douceur qui contraste autant avec les catastrophes qu’il déclenche qu’avec ce monde de l’entreprise stressant. Enfin, par lui. Pour être cool, il est cool Gaston !

Immature, indolent, le nouveau stagiaire d’« AuPetitCoin » -start-up où « l’on rend l’inutile utile » en redonnant un usage aux objets mal fabriqués, il fallait le trouver- est un grand adepte de la sieste. Capable de s’endormir debout, il n’en fiche pas une. Sauf pour mettre au point mécanismes et machines farfelues dans son capharnaüm de bureau. Ah ça, des idées, ce bidouilleur au génie aussi inventif que relatif en a en pagaille. Et bien souvent, ça tourne au désastre. « M’enfin ! »

Malgré son non-conformisme et son insolence naïve, malgré le danger que sa présence fait encourir aux salariés -altruiste, il les aime et veut améliorer leur quotidien mais ne cesse de les maltraiter-, malgré la mouette et le chat frappadingues, des péripéties en série, le courrier qui s’entasse, on le maintient en poste à la faveur d’une méprise.

Le directeur Prunelle semble même tout lui passer… En un tour de main scénaristique, PEF explique ce mystère de la création de Gaston : Mais pourquoi ne le vire-t-on pas ? C’est à en devenir marteau pour Prunelle. D’autant qu’à chaque fois que le puissant De Mesmaeker (Jérôme Commandeur, diaboliquement drôle) vient signer les contrats de la vente de la florissante société, le dit-Gaston fait immanquablement tout rater. Mais ça, les fans le savent déjà…

Mademoiselle Jeanne, adorable et nouille

Dans son film sans temps mort, PEF convoque nombre des personnages clés de la BD en une galerie haute en couleurs et en compositions bien dessinées. Chef colérique au bord de la crise de nerfs, le réalisateur s’est réservé Prunelle et son collier de barbe. Incontournable, mademoiselle Jeanne, adorable et nouille très vite éprise du héros prend forme sous les traits d’Alison Wheeler. Il y a aussi Boulier, Lebrac ou encore les potes de Gaston, Bertrand Labévue et Jules-de-chez-Smith-en-face.

Les fins connaisseurs retrouveront également la morue à la fraise, la chaise ressort, le Gaffophone bien sûr, dont il joue sur le toit – « Ça me détend, au cas où je travaille trop »- la Fiat 509 évidemment, qui roule à l’huile d’olive et qu’il améliore sans cesse avec les dernières technologies. Véhicule que l’agent Longtarin -Arnaud Ducret, plus cartoonesque que jamais- tente de verbaliser chaque matin…

S’il transpose l’univers de Gaston à notre époque, Pierre-François Martin-Laval n’en conserve pas moins l’esprit frondeur. Le décalage est évident entre ce monde de performances à tous crins et d’hyperconnexion d’un côté et, de l’autre, celui de notre héros idéaliste. Décidément dans sa bulle, ce chantre du bien vivre prône, mine de rien, la décroissance, l’écoute de l’humain et de l’animal… Il est du genre à réenchanter son monde Gaston. Certains purs et durs peuvent déchanter, nous on est charmés.