Titre original: First Man
Date de sortie DVD : 20 Février 2019
Sortie cinéma: 17 Octobre 2018
Durée: 140 Minutes
Genres: Drame, Biopic
Réalisation: Damien Chazelle Distibution: Universal Pictures International France
Pilote jugé « un peu distrait » par ses supérieurs en 1961, Neil Armstrong sera, le 21 juillet 1969, le premier homme à marcher sur la lune. Durant huit ans, il subit un entraînement de plus en plus difficile, assumant courageusement tous les risques d’un voyage vers l’inconnu total. Meurtri par des épreuves personnelles qui laissent des traces indélébiles, Armstrong tente d’être un mari aimant auprès d’une femme qui l’avait épousé en espérant une vie normale.
L’exploration spatiale est aussi une affaire d’hommes, et chaque homme a en lui une part de fragilité. C’est cette dimension que réussit à explorer Damien Chazelle dans ce biopic d’une incroyable intelligence.
Du haut de ses 33 ans, Damien Chazelle est en passe de devenir une véritable institution à Hollywood. Même les spectateurs peu friands de comédies musicales qui avaient trouvé le succès de La La Land excessif ne sauraient passer à côté de son nouveau film qui semble destiner à connaître le même destin glorieux auprès de l’Académie des Oscars. Le biopic d’un héros américain, c’est une recette qui paie souvent le soir de la distribution des célèbres statuettes dorées, mais la thématique de la course à l’espace semblait depuis longtemps désuète. Le défi de consacrer un long-métrage à Neil Armstrong aurait donc risqué d’être reçu avec désaffection de la part de tout autre cinéaste que Chazelle. Et le fait qu’il ait redonné le rôle-titre à Ryan Gosling, à peine moins de deux ans après l’avoir fait dansé sur les autoroutes de Los Angeles, n’est pas pour rien dans cet accueil passionné.
© Universal Pictures International France
Il faut dire que c’est toujours un plaisir de retrouver Ryan Gosling dans un tel rôle, celui d’un homme discret, qui semble mal dans sa peau et tourmenté, aux antipodes du musicien dansant de La La Land, mais aussi et surtout aux antipodes de la représentation que le cinéma américain nous avait fait de ses héros de l’aventure lunaire. On pense tout particulièrement à L’Etoffe des Héros (Philip Kaufman, 1983), dont les personnages étaient allègrement portés sur un piédestal. Tel qu’il apparaît ici, Neil Armstrong n’a rien du surhomme dont on s’attend qu’il réalise des exploits. Bien au contraire, ce brave père de famille taiseux a une certaine propension à nous emmener vers une certaine identification à son égard. Dès lors, on partage pleinement avec lui chacune des péripéties qu’il rencontre dans son intimité. Chazelle réussit à faire de la vie de famille de son personnage principal une charge émotionnelle bien plus importante que sa mission professionnelle, qui n’apparaît presque que comme un simple contexte.
© Universal Pictures International France
En plus de sa relation tumultueuse avec sa femme (incarnée par une Claire Foy d’une remarquable justesse), auprès de qui il ne peut pas être aussi présent qu’il le voudrait, on apprend qu’Armstrong a connu, au sein de sa famille, un lourd traumatisme qui va le suivre jusque sur la Lune. Le parti pris de Chazelle de ne pas faire figurer les entraînements ni même le voyage final de l’astronaute comme des scènes spectaculaires mais en restant toujours fixé sur son regard ou, en guise de contre-champs, au plus près de ce qu’il voit, souvent via son casque ou des hublots, renforce plus encore cette sensation immersive. C’est ainsi que l’on partage davantage ses craintes que la fierté patriotique qui a longtemps été l’unique moteur de films similaires. L’autre audace du jeune franco-américain vient d’ailleurs d’avoir intégré dans le parcours d’Armstrong les nombreuses controverses qu’a pu susciter, aussi bien au sein de la NASA qu’à l’extérieur, la mission Apollo.
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Les spectateurs étriqués qui associent le nom de Damien Chazelle au genre comédie musicale ne seront d’ailleurs pas en reste car il filme une manifestation dansante qui restera parmi les passages les plus marquants de son long-métrage. Si une scène devait rester inoubliable, ce serait assurément celle du décollage du vaisseau, dont la puissance nous scotche à notre fauteuil mais qui surtout nous fait ressentir les sentiments contradictoires, entre dignité et déchirement, ressenti par Armstrong. Tout le génie de Chazelle est dans cette aisance à déplacer les enjeux de cette histoire bien connue, et dont le suspense autour de la survie de l’équipage est automatiquement biaisé, vers l’intimité de son personnage principal. Le foyer de ce héros de l’Amérique s’avère être un lieu hautement cinégénique, et, à n’en pas douter, le fait que First Man ose s’y aventurer va être perçu, lui aussi, comme un grand pas pour l’Humanité.