Carbone

Genre Policier
Nationalité français

 

Menacé de perdre son entreprise, Antoine Roca, un homme ordinaire, met au point une arnaque qui deviendra le casse du siècle. Rattrapé par le grand banditisme, il lui faudra faire face aux trahisons, meurtres et règlements de compte.

Après MR 73 et Les Lyonnais, on se demandait quelle direction pouvait prendre le cinéma d’Olivier Marchal. Le cinéaste semblait s’être enfermé dans un agrégat de tiques et de systématismes l’ayant détourné de son énergie initiale et de la formidable vitalité qu’avaient insufflé Gangsters et 36, quai des Orfèvres au polar hexagonal. Mais c’est gonflé à bloc qu’il nous revient.

PLAN MARCHAL

Le scénario de Carbone s’inspire d’une escroquerie ayant défrayé la chronique à la fin des années 2000, et qui permit à quelques petits malins de détourner massivement des sommes astronomiques initialement destinées à l’Etat français via la taxe sur la valeur ajoutée. Un contexte qui tranche profondément avec les affaires classiques de flics pourris ou de truands argotant affectionnées par le réalisateur.

Conscient peut-être que les effets qu’il maîtrise et goûte avaient besoin d’être renouvelés, c’est un Olivier Marchal beaucoup plus sobre et maître de la structure narrative qui est ici aux commandes. On craignait de le voir se Schoendoerfferiser, mais on ne lui beurre pas la raie à Olivier. Focalisé sur les caractères qu’il croque parfaitement, il offre à la plupart de ses comédiens des rôles à la fois taillés sur mesure et suffisamment ouverts pour qu’ils les investissent à la manière d’un formidable terrain de jeu.

Signe de l’aisance du metteur en scène : il dénude son découpage et s’efface derrière Benoît Magimel, auquel il permet de littéralement bouffer l’écran. La mine grave, tantôt hagard, hâbleur, laissant deviner une appétence pour la prédation longtemps réfrénée, son aura magnétique porte le film et lui confère un spleen venimeux fascinant. Signe de la maturité qu’il atteint ici, Magimel tient tête sans mal à l’ogre Gérard Depardieu, lui aussi inattendu et excellent dans un rôle de patriarche juif retors. La proximité entre le réalisateur et son comédien est un régal pour tout amateur de gueule, de cinéma organiquement incarné.

 

Photo Benoît Magimel

 

SCARFESSE

Le reste du casting est à l’avenant, en particulier Michaël Youn et Gringe, dont on sait depuis Comment c’est loin qu’il est capable de déployer une tessiture de jeu qui va bien au-delà de son numéro de sympathique branleur, pour se muer en une amertume palpable et parfaitement dosée. Dans ses meilleurs moments, Carbone nous renvoie au polar frenchy des seventies, à ces trips urbains et noirs qui tenaient le pavé haut au cinéma anglo-saxon.

 

Photo

Bordel, même Michael Youn est bon !

 

En témoignent les dialogues, affutés, puissants, et ne versant pas dans le trop plein lourdaud qui a parfois menacé Marchal par le passé (nulle trace des « couilles de gitan » de Gérard Lanvin ici). Ils permettent d’ailleurs au métrage de toujours poser ses enjeux de manière limpide, qu’il doive expliciter une arnaque relativement complexe, ou permettre aux protagonistes de se jauger, puis s’affronter.

On regrettera donc d’autant plus un peu de trouver ici et là quelques outrances qui détonnent avec la formidable tenue de l’ensemble, notamment des sorties à la Scarface qui s’intègrent mal à la dynamique d’ensemble. De même, si Marchal n’a jamais été un cinéaste féminin, les femmes souffrent ici de partition globalement très faibles, attendues ou caricaturales. Il n’empêche, l’artiste paraît revenir au meilleur de sa forme et rappelle que l’Hexagone demeure un formidable terrain de thriller pour qui ose en embrasser les passions toxiques.